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© Rosinski - Van Hamme / Le Lombard 1996

Géants
22ème album

Première parution : novembre 1996


Je suis un esclave. Depuis toujours, ou presque.

Je suis jeune, mais je sais qu'ici, dans la forteresse de mon maître, la vie n'est pas forcément plus mauvaise qu'ailleurs, pour quelqu'un comme moi.
Sauf certains jours, comme aujourd'hui.

J'ai été choisi pour le «jeu». Je sais que c'est un honneur, ma mère me l'a dit plusieurs fois ce matin. Pourtant, mes jambes tremblent sous moi. Peut-être parce que mon maître et ma maîtresse sont là, face à moi, beaux et forts ; je ne les vois pas souvent. Peut-être aussi parce que je sais que parfois, ceux qui participent au jeu ne reviennent pas.

Alors je m'applique, je jette des fruits, des fruits qui me font envie et me rappellent que je n'ai rien mangé depuis hier.

C'est cela ma vie, chez mon maître, chez Shaïgan-sans-merci.

Suite de "La Couronne d'Ogotaï".

L'album "Géants" bénéficie d'une couverture encore une fois superbe, très attractive, et d'un titre simple mais percutant. D'autant qu'après avoir quitté la scène pendant deux albums, le temps de laisser à Aaricia et Jolan l'occasion de s'affirmer dans la série, Thorgal reprend la main. Avec une aventure qui le mène plus loin qu'il n'est jamais allé !

Galathorn, l'indispensable maillon

Thorgal est devenu Shaïgan, un pirate, un tortionnaire. Evidemment, on sent bien qu'il n'est pas très à l'aise, qu'il doute, qu'il s'ennuie... Mais au fond, il s'est fait à sa nouvelle vie ! Le sens moral qu'il avait, la passion de la justice qui l'habitait, tout cela semble bien loin, au coeur de sa forteresse débordante de trésors pillés, dont les murs étouffent les gémissements des esclaves.

Il fallait donc trouver un élément fort pour remettre Shaïgan sur les rails du souvenir. En piochant dans son tiroir à idées, Jean Van Hamme a repensé à Galathorn... que l'on n'avait pas vu depuis 12 ans et le 6ème album, "La chute de Brek Zarith".
D'une part, cela fait plaisir de retrouver un personnage perdu de vue depuis si longtemps, d'autre part ce retour est tout à fait plausible puisque Thorgal avait laissé Galathorn à la tête d'un royaume moribond, peu en mesure de résister aux assauts des pirates de Shaïgan.
Galathorn est fier, intelligent et courageux. Il a tout du partenaire idéal pour Thorgal.

Shaïgan choisit de faire confiance à Galathorn, parce que l'homme lui plait et lui semble détenteur de vérités, mais aussi grâce à l'attitude de Kriss, qui voit surgir l'une de ses plus grandes peurs. Elle a bâti son empire et son couple sur des bases fragiles, celles du mensonge. Elle résume ce besoin en quelques mots : « Il me fallait un homme pour commander aux hommes dans ce monde d'hommes. Et grâce à toi, j'ai atteint ce que j'ai désiré toute ma vie... ». Kriss sait que tout cela peut être remis en cause si Shaïgan se met à douter. Et il doute... enfin.

A la fin de l'album, Thorgal et Kriss échangent un regard très symbolique. Thorgal, triomphant comme jamais, laisse exploser sa joie. Autre attitude rare chez lui, il s'adresse à Kriss avec des mots choisis pour lui faire mal ! Sa compagne d'hier le regarde avec dans les yeux un trouble qui en dit long.
Cette scène a une autre valeur, même si on ne le savait pas encore à ce moment-là : Kriss et Thorgal n'auront plus jamais l'occasion de se parler.

Thorgal et le haricot magique

Petite sensation de déjà vu quand on découvre l'album ?

Le parallèle peut sembler amusant, mais en réfléchissant aux sources d'inspiration qui ont pu inciter Jean Van Hamme à envoyer son héros au pays des géants, on peut facilement trouver des éléments du fameux conte anglo-saxon "Jacques et le haricot magique".

Ainsi, tout comme Jacques, Thorgal passe par les nuages pour rejoindre le pays des géants. Thorgal descend, alors que Jacques monte !
Jacques vole les géants comme le fait Thorgal, et ce vol est pour lui une sorte de rédemption puisqu'il lui permet de compenser ses erreurs passées (la vente de la vache familiale en échange de quelques haricots...) et de contenter sa famille. Un peu comme Thorgal.
Dans les deux histoires, l'objet volé apporte la richesse : une poule aux oeufs d'or pour Jacques, un anneau divin pour Thorgal. Cet anneau, Draupnir, était capable de se multiplier à l'infini. A noter que dans la légende "classique" l'anneau, forgé par les nains, n'est pas volé par les géants mais proposé en dot à une belle géante par un dieu amoureux... La belle refusa l'anneau, mais accepta le mariage, sous la menace.
Enfin, il y a la fuite finale, quand le petit voleur est repéré par les géants. Dans les deux histoires, les géants sont incapables de suivre le héros, que ce soit Jacques sur son haricot ou Thorgal sur sa falaise. Et tout est bien qui finit bien...

Géants

Dans les mythes scandinaves, les géants ne sont pas seulement les ennemis des dieux. Ils forment un lien entre la création de l'univers et la fin des temps.

Le premier de tous les géants, Ymir, créé par la rencontre des forces fondamentales de l'univers, est le géniteur des autres géants (qu'il aurait créés en frottant ses pieds...) mais aussi des dieux et des hommes. Proches au départ, les dieux et les géants se seraient violemment opposés une première fois quand Odin et ses frères ont tué le géant Ymir, utilisant son corps gigantesque pour façonner notre monde. La plupart des géants étant mort noyés par le sang d'Ymir, leur race s'abâtardit par la suite. Ils sont souvent présentés laids, agressifs et chaotiques. Le dieu Thor les combat plus que tout autre.

La fameuse bataille du Ragnarök opposerait, à la fin des temps, les dieux aux géants, et la plupart y laisserait la vie. Un messie, le dieu Baldr (fils d'Odin et de Frigg), reviendrait alors à la vie et construirait avec les survivants élus un nouveau monde idéal.
Dans Thorgal, Jean Van Hamme a choisi de s'écarter de la version "officielle" (écrite à l'ère chrétienne, on sent l'analogie) en expliquant que le Ragnarök (qu'il nomme "Ragna Rokkr") a déjà eu lieu, et que géants et dieux sont sortis vivants mais fortement affaiblis du conflit, chaque faction s'exilant après les combats, les dieux en Asgard, les géants en Jötunheim.

Il est intéressant de voir qu'encore une fois Jean Van Hamme s'est basé sur des éléments historiques ou légendaires bien connus, puis qu'il a bâti son histoire en adaptant ces éléments selon ses besoins. D'où une histoire bien écrite, originale, mais aux contours familiers.

Dans l'album, parmi les géants présents à la cour du roi Geirroed, on reconnaît Hrun et Hjalmgunnar, déjà vus dans "Aaricia" et "L'enfant des étoiles". Il y a aussi Bergelmir, l'un des rares géants à avoir survécu à la mort d'Ymir. Geirroed, cité dans différents textes (pas forcément comme roi des géants d'ailleurs), se distingue généralement par sa maladresse. Quant à la "petite" Heidrun, à qui Thorgal est offert pour son 683ème anniversaire, son nom vient de la chèvre qui broute les feuilles de l'arbre Yggdrasil, vu dans "Le bouclier de Thor"...

Et Thorgal rencontra Frigg

Frigg est la femme d'Odin, déesse du mariage, de l'amour, du ciel et des nuages... Son nom signifie "la bien-aimée".

Dans la série, elle est pratiquement la mère adoptive de Thorgal. Si elle a placé le fils des étoiles sous sa protection, c'est parce que l'un de ses plus grands pouvoirs est de connaître la destinée de chaque être vivant. De par ses origines "extraterrestres", Thorgal échappe aux lignes habituelles du destin. Pour Frigg, Thorgal est donc une énigme, un être à part, le seul peut-être capable de la surprendre. Est-ce pour ces raisons qu'elle a fait de lui son favori ?

Etonnante scène que leur rencontre, la belle déesse le dépassant d'une tête ! Cette scène renforce l'impression de lien maternel qui semble unir le viking à la déesse depuis qu'elle a posé les mains sur son visage, enfant, au coeur des cavernes naines (dans l'album "L'enfant des étoiles").
Maman Frigg protège le fiston Thorgal des colères de papa Odin ?

Thorgal s'est cru mort pendant un instant, et c'est bien normal car c'est une walkyrie qui l'a mené jusqu'aux jardins d'Asgard.
La jolie Swanée, aérienne et spontanée, accompagne Thorgal d'un lieu à l'autre tout au long de l'album. Paradoxalement les propos de la petite fée débordent de mélancolie et de fragilité, elle dont le rôle habituel est de moissonner sur les champs de bataille les âmes des guerriers les plus valeureux, morts au combat, pour les mener au Valhall où ils se prépareront au Ragnarök. Il ne faut pas s'y tromper, aussi frêle et adorable soit-elle, le quotidien de Swanée est fait de massacres et de morts brutales. Un personnage magnifique.

La suite dans "La Cage"...


Surréaliste ! Heidrun, gentil "petit" cheval de Troie.

« Il t'a dit !
- Oui.
- Et tu l'as cru ?
- Oui. »

Kriss de Valnor / Shaïgan-sans-merci


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Très bon album
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